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Variante - Louise Labé : sonnet 15

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Variante - Louise Labé : sonnet 15

En 1555, l’imprimeur Jean de Tournes publie à Lyon un recueil des Œuvres de Louise Labé.

En 2015, les lycéens d’i-voix découvrent à Brest un manuscrit ignoré : les Sonnets de Louise Labé écrits de la main de la Belle Cordière elle-même !

Or ce manuscrit présente d’intéressantes variantes par rapport au recueil alors publié.

Voici ces variantes enfin révélées, avec annotations par les lycéens eux-mêmes !

Buste imaginaire de Louise Labé, Jean Carriès, fin 19ème siècle

Buste imaginaire de Louise Labé, Jean Carriès, fin 19ème siècle

Source image

 

Sonnet XV (1555)

 

Pour le retour du Soleil honorer,

Le Zéphir l'air serein lui appareille,

Et du sommeil l'eau et la terre éveille,

Qui les gardait, l'une de murmurer

 

En doux coulant, l'autre de se parer

De mainte fleur de couleur nonpareille

Jà les oiseaux ès arbres font merveille,

Et aux passants font l'ennui modérer

 

Les nymphes jà en milles jeux s'ébattent

Au clair de lune, et dansant l'herbe abattent.

Veux-tu Zéphir, de ton heur me donner,

 

Et que par toi toute me renouvelle ?

Fais mon Soleil devers moi retourner,

Et tu verras s'il ne me rend plus belle.

Louise Labé

Sonnet XV (Variante)

 

(Après la publication de ses sonnets, Louise Labé a corrigé plusieurs de ses poèmes dont le sonnet XV. Cependant, la poétesse n'a pas eu le temps de les republier.)

 

Pour le retour du Soleil honorer,

Le Zéphir l'air serein l'émerveille(1),

Et du sommeil l'eau et la terre éveille,

Qui les gardait, l'une de murmurer

 

En doux lever(2), l'autre de se parer

De mainte pétale(3) couleur vermeille(4).

Jà les oiseaux ès arbres font merveille,

Et aux passants font l'ennui modérer

 

Les nymphes jà en milles lieux (5) se mêlent( 6)

Au clair de lune, et mimant la querelle(7).

Veux-tu Zéphir, de ta peur(8) me donner,

 

Que me parvienne ton funeste appel(9) ?

Fais mon Soleil devers moi retourner, 

Et tu verras s'il ne me rend plus belle.

 

 

Notes

 

(1) émerveille : Louise Labé a rectifié le mot "appareille" par le mot "émerveille" avec la résolution d'apporter plus de gaieté à la première strophe du poème dans le but de marquer un plus fort contraste avec la fin du poème, entre le jour et la nuit. 

(2) lever : à l'origine Louise Labé avait écrit le mot "coulant", il a été remplacé par un mot plus positif "lever" qui fait  référence au lever du soleil et au réveil de la terre.

(3) pétales : le mot "fleur" à été modifié afin d'augmenter l'idée de multitude et d'abondance. Le pétale représente quelque chose de délicat, de fin, de sensuel.

(4) vermeille : "vermeille" a remplacé le mot "nonpareil" par soucis de détail. En effet, le vermeil fait référence  à une nuance de rouge, un rouge vif rappelant l'amour et la chaleur peut-être due soleil. Ou bien à un métal précieux dont la couleur se rapproche de l'or, renvoie une image de richesse et fait également allusion au soleil.

(5) lieux : Louise Labé avait changé le mot " jeux" pour le mot "lieux" car celui-ci appuie l'idée de grandeur, de diversité d'espaces naturels.

(6) se mêlent : Le verbe "s'ébattre" à été ici remplacé par le verbe "se mêler" pour donner l'illusion d'une confusion due au sens propre du mot et à l'allitération en [M] et [L].

(7) mimant la querelle : L'expression "dansant l'herbe abattent" a été transformée par "mimant la querelle". Cette modification appuie l'allitération en [M] du vers précédent mais le mot "querelle" rompt l'harmonie du poème en l'assombrissant. De plus, les sonorités [Q] et [R] forment une cassure à la fin du vers.

(8 )ta peur : Cette correction est due à la volonté de Louise Labé de transposer le sens du poème. En effet, "ta peur" rentre en parfaite opposition avec ton "heur" tout en conservant la sonorité en [R].

(9) Que me parvienne ton funeste appel : Louise Labé, par cette révision, nous montre son envie de combattre le désespoir de la nuit portée par le vent. Par cette transformation, elle ne veut plus faire référence au "heur" si récurrent dans ses poèmes ( Sonnet VIII :  v. 13 "Et être au haut de mon désiré heur" ). "Que me parvienne ton funeste appel" insiste sur l'allitération rugueuse en [R] et saccadée en [P] débutée au vers précédent, ce qui donne au poème une dimension tragique.

 

Auteur inconnu

Auteur inconnu


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